Extrait gazette du mois de juin 1994 :
Jean-Luc, notre président de la section sports, m’avait dit : « pour la prochaine gazette, tu me fais un édito sur l’essence du cyclotourisme, sa substantialité, sa raison d’être : enfin un article de fond, profond, traité à fond. Du solide, quoi ! »
On était dimanche et il me restait deux jours pour écrire mon article. J’avais plus envie de faire du vélo que de plancher sur ma feuille blanche.
Il faut dire que ce matin de printemps nous tendait les bras : la lumière paresseuse du soleil éclairait, comme protégée par un abat-jour, les ramures hiératiques des arbres autour du hall des sports où se réunissent tous les dimanches Philippe, Norbert, Pascal, Nicolas, Yannick et les autres. La clarté les auréolait d’un rayonnement diffus, comme des saints, qu’ils n’étaient pas d’ailleurs. Le vent du large m’avait apporté leurs rires, leurs blagues mille fois répétées mais mille fois appréciées. C’était décidé, je partais avec eux.
Dès les premiers coups de pédales, l’air froid emplissait les poumons signifiant qu’une nouvelle saison débutait, que la terre allait reprendre son souffle.
Vers Pouillon, au pied de la première bosse, une palombe s’est envolée, striant le ciel bleu de sa voilure. Au sommet de la première côte, Pascal et Norbert s’était envolés, histoire de montrer…de montrer quoi, au fait ?
Et puis, le soleil a soulevé sa chevelure mordorée, les champs ont enveloppé leur brune moiteur d’un voile de brouillard. Sur le bord des routes, les paysans s’affairaient, les chiens couraient et les merles jouaient.
Et puis, Michel creva, de l’arrière bien sûr ; Yannick chuta, de l’avant, bien entendu. Daniel râla dans la côte trop longue, Philippe s’engouffra dans la descente trop courte. On se tira la bourre, on se tira la malle, on ralentit, on attendait, on musarda, on se mussa. Comme toujours, tout se termina devant la mairie dans un sprint emporté par Pascal devant Philippe, Norbert, Nicolas, Yannick et les autres.
J’étais rentré heureux, heureux comme chaque dimanche. Mes yeux étaient gavés d’images, mes narines comblées d’odeurs.
Pas de quoi écrire un édito sur la « substantialité du cyclotourisme ».
Quoi que…